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Bordeaux
le 15 mars 2002
Cher
Billé
Je
viens de faire partir une lettre pour toi par la poste et
je me disais en reprenant le chemin de la maison, qu’à
part dire merci benoîtement, je ne t’avais pas
donné mon sentiment à propos du journal documentaire.
Alors que je me suis en grande partie régalé.
Principalement avec le périple italien, qui comme tu
t’en doutes, me touche particulièrement étant
donné que je possède un peu de sang toscan dans
les artères. J’ai pu ressentir des odeurs connues
et me remémorer les images qui vont avec ; la fragrance
du savon à barbe, celui qui blaire particulièrement,
le paysage de galets sur le bord de mer qui brillent dans
le ressac, le col de Tende, les rivages de l’Adriatique
qui pullulent de plages privées pour gens privés
et dont l’accès est défendu aux blaireaux.
Nicole avait d’ailleurs dans un accès de rage
traversait à demi nue un parterre d’abrutis médusés,
pour aller se jeter à l’eau et revenir trempée
en s’ébrouant comme le ferait un jeune chien,
au grand dam d’un groupe
de jeunes vieillards avachis sur leurs transats baignant dans
les rais du soleil. J’ai adoré tes casses-graines
avec Dany, décrits avec promptitude. Tu as le mot juste
tout le temps et un remarquable style pour illustrer ce que
tu vis, ainsi que pour donner le climat général
en quelques phrases. La nourriture que tu ingurgites est toujours
détaillée et donne le plus souvent envie de
goûter. J’ai remarqué aussi que tu étais
souvent invité chez des gens charmants qui cuisinent
des plats spécialement pour toi.
Je me suis même demandé si tu le méritais
? Sûrement.
Ton humour est toujours là pour compenser cette tendance
à la réaction, surtout concernant les jeunes,
les Arabes, les gauchistes et bien évidemment ceux
qui sont les deux ou les trois à la fois. Voilà
pourquoi j’ai ri de bon cœur en imaginant la tête
que tu devais faire quand cette bande de jeunes arabes, te
pissant sur les bottes tout en te toisant de leurs airs haineux
a déclenché un arrêt brutal de ton appétit,
que je connais, de réputation, qui me semblait être
à l’épreuve d’une quelconque contrariété
fusse t-elle engendrée par des drôles de banlieues.
J’ai savouré aussi à plusieurs reprises
la découverte des trois chevreuils, les plumes arrachées
à la petite queue de l’oiseau mort, le crapaud
sous la cendre, le cri que tu pousses en hommage à
ton baron préféré ; tes nombreux mots
d’esprit ainsi que la kyrielle de phrases désuètes
et de tournures emmanchées que tu emploies avec talent
et qui incitent à te convaincre d’en publier
un jour plus et encore. Et pourquoi pas l’intégralité.
Enfin pour information et complément ; j’ai trouvé
curieux que tu écrives d’abord le nom de l’homme
puis celui de sa compagne ou épouse, je pensais que
la politesse voulait que l’on mentionne la dame en premier.
J’ai relevé page 31 : ambiance humanisse quelques
lignes plus loin : catalogué comme racisse et page
34 : humanisses ; peut être est ce des mots que j’ignore
? En ce qui me concerne ce n’est pas bien important,
car si ce sont des coquilles, je les pense al dante.
Pour clore, je suis sceptique sur le fond de ta pensée,
celui relatif à la vision, qu’on apparemment
beaucoup de gens au sujet des américains et que tu
définis comme injuste. Chaque peuple en démocratie
doit s’attendre à être frappé à
la tête et prendre de plein fouet les retombées
de la politique de ses gouvernants. Je te trouve partial,
comme si tes craintes te poussaient irrémédiablement
à opter pour le camp du plus fort. Je trouve néanmoins
fameux que cela te donne envie de hausser le ton. Nous avons
tous dans nos tiroirs des motifs pour claquer du bec, il est
bon de l’ouvrir même violemment de temps à
autre. Pour ma part, je le fais à coup de pieds et
de poings, une ou deux fois l’an ; ça me prend
comme de l’eczéma et c’est toujours lorsque
je suis menacé. Il est arrivé aussi que j’en
fasse les frais. Je voulais aussi de dire que je te trouve
beau, surtout avec un œuf d’autruche dans les mains.
Amitiés.
Christophe
Massé.
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